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Environnement : pas de régularisation de la "dérogation espèces protégées" illégale sur le fond



Dans une décision rendue le 30 décembre 2021 (publiée aux Tables), le Conseil d’État juge, lorsqu’un projet n’est pas justifié par une raison impérative d’intérêt public majeur au sens de l’article du 4° du I de l’article L. 411-2 du Code de l’environnement, que la « dérogation espèces protégées » délivrée illégalement dans le cadre d’une autorisation environnementale ne peut pas être régularisée.



Dans cette décision remarquée, le Conseil d’État confirme tout d’abord l’arrêt rendu par la Cour administrative d’appel de Nantes le 24 janvier 2020[1] jugeant que l’extension d’une carrière de sable sur 56,5 hectares supplémentaires, portant atteinte à 39 espèces protégées, ne répond pas une raison impérative d’intérêt public majeur au sens des dispositions du c) du 4° du I de l’article L. 411-2 du Code de l’environnement.


Comme l'avaient estimé les juridictions de premier et second degré à juste titre, un tel projet« ne répondait pas à un besoin spécifique » tandis que «l’existence d’autres carrières dans un environnement proche suffisait aux besoins de la filière locale de transformation de granulas » (voir considérant 4).



Dans un deuxième temps, le Conseil d’État précise l’application des dispositions de l’article L. 181-18 du Code l’environnement lorsqu’une « dérogation espèces protégées » délivrée dans le cadre d’une autorisation environnementale est viciée.


L’ordonnance n° 2017-80 du 26 janvier 2017 instaurant le régime de l’autorisation environnementale « a choisi de créer un office particulier de juge de la régularisation » détaillé à l’article L. 181-18 du code de l’environnement »[2]. Les dispositions de cet article offrent en effet au juge deux mécanismes de régularisation. L’article L. 181-18, I, 1° du Code de l’environnement prévoit une voie de régularisation à l’extérieur du prétoire correspondant à l’annulation partielle d’une phase de l’instruction ou une partie de l’autorisation environnementale, « la décision du juge ouvrant à l’administration une voie pour prendre des actes de régularisation qui pourront donner lieu à un second contentieux »[3]. L’article L. 181-18, I, 2° du même code permet, quant à lui, une voie de régularisation à l’intérieur du prétoire impliquant « un avant-dire-droit juridictionnel, des actes administratifs de régularisation et un jugement final validant ou non cette régularisation »[4].


En l’espèce, devant la Cour administrative d’appel de Nantes[5], la société requérante demandait, à titre subsidiaire, de surseoir à statuer sur le fondement de l’article L. 181-18 du Code de l’environnement et d’enjoindre au préfet de prendre les mesures de régularisation nécessaires.


Dans sa décision du 30 décembre 2021, le Conseil d’État juge que « le vice tiré de ce que l’autorisation de dérogation litigieuse n’est pas justifiée par une raison impérative d’intérêt public majeur ni par l’un des autres motifs mentionnés au c) du 4° de l’article L. 411-2 du code de l’environnement n’est pas susceptible d’être régularisé » (voir considérant 11).



À ce titre, une Cour administrative d’appel[6] avait déjà jugé en 2019, à propos de la dérogation espèces protégées délivrée dans le cadre de la réalisation des travaux et de l’exploitation du contournement du bourg de Beynac et Cazenac, que « eu égard à sa portée, l’illégalité retenue ci-dessus n’est pas, comme l’a jugé le tribunal, susceptible d’être régularisée par une autorisation modificative en application du 2° du I de l’article L. 181-18 du code de l’environnement » et que « pour l’application du 1° du I de l’article L. 181-18 du code de l’environnement, dès lors que la dérogation aux interdictions d’atteinte aux espèces protégées et à leurs habitats concerne l’ensemble du projet et que l’annulation de la seule dérogation ferait perdre toute finalité aux autres composantes de l’autorisation unique, ladite dérogation doit être regardée en l’espèce comme étant indivisible des autres autorisations délivrées par l’arrêté préfectoral du 29 janvier 2018 » (voir considérant 15).


Cette impossibilité de régulariser l'autorisation environnementale, dans ce cadre précis, est désormais confirmée.




Cécile Rolland








[1]CAA Nantes, 24 janvier 2020, req. n° 19NT02054. [2]L. DUTHEILLLET DE LAMOTHE, rapporteur public, conclusions sous CE, avis, 22 mars 2018, req. n° 415852. [3]L. DUTHEILLLET DE LAMOTHE, rapporteur public, conclusions sous CE, avis, 27 septembre 2018, req. n° 420119. [4]L. DUTHEILLLET DE LAMOTHE, rapporteur public, conclusions sous CE, avis, 22 mars 2018, req. n° 415852. [5]CAA Nantes, 24 janvier 2020, req. n° 19NT02054. [6]CAA Bordeaux, 10 décembre 2019, n° 19BX02327.

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