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La sincérité des projections démographiques conditionne la légalité des SCoT et les PLU(i)

Les SCoT et les PLU(i) doivent tous deux, en fonction des enjeux propres à leur échelle, adopter une gestion économe de l'espace tout en répondant aux besoins de leur territoire en matière de logement (cf. art. L. 141-7 et L. 151-4 du Code de l'urbanisme).

Pour ce faire, ils doivent établir un diagnostic démographique de leur territoire et procéder à des projections.


Il y a là un exercice complexe qui comporte une part de fiction, partant de données statistiques objectives qui sont extrapolées dans le cadre d'un projet politique souvent volontariste. La jurisprudence montre cependant qu'il est devenu capital, pour la sécurité juridique des documents d’urbanisme, de justifier avec rigueur l'ambition démographique du territoire.


Plus souvent que par le passé (l'objectif dit "Zéro Artificialisation Nette" ayant à présent essaimé à tous les niveaux), les services de l’Etat manifestent une suspicion sur les ambitions démographiques qu’ils jugent excessives et leur préfèrent les scénarios « fil de l’eau » de l’INSEE, sans considération de la dimension politique que contient naturellement la démarche d’élaboration d’un document de planification. Et, après approbation, les juridictions administratives contrôlent à présent avec rigueur ces projections démographiques.


En somme, un SCoT ou un PLU(i) peut être annulé lorsqu’il affiche une projection de croissance démographique trop conséquente et non justifiée.


Exemple de décisions relatives à des PLU(i) :


« Considérant ensuite que le rapport de présentation, lequel, en application des dispositions précitées de l’article R. 123-2-1 du code de l'urbanisme repose notamment sur le diagnostic établi au regard des prévisions démographiques, fait état d’une prévision d’augmentation de la population communale, de 67 000 habitants à l’heure actuelle, à 85 000 habitants en 2025, en se bornant pour expliquer ce chiffre à invoquer de façon générale l’attractivité commerciale et géographique de C…, sans fournir toutefois aucune précision de nature à justifier l’importance de l’évolution ainsi envisagée ; que de plus, ces prévisions apparaissent peu vraisemblables au regard des données figurant dans ce même rapport et reprises par le commissaire enquêteur, selon lesquelles l’augmentation prévue de la population durant les vingt prochaines années serait ainsi supérieure d’un tiers à celle que la commune a effectivement connue durant près de quarante ans, entre 1962 et 1999 ; que par suite, ce rapport de présentation, qui comporte une évaluation de l’évolution démographique communale manifestement erronée et insusceptible alors de justifier le parti d’urbanisme finalement retenu, doit, là encore, être regardé comme affecté d’une irrégularité substantielle » (TA Strasbourg, 10 mai 2011, req. n° 0703274 ; voir pour une reconnaissance, à l'inverse, d'une dynamique démographique qui n'apparaît pas manifestement irréaliste : TA Lyon 4 juin 2015 req. n° 1403519).


Exemple de jugement annulant un SCoT se fondant à tort sur une prévision de croissance annuelle de la population de 0,86 % contre une moyenne antérieure de 0,40 % :


« 8. En revanche, en ce qui concerne la croissance démographique, il ressort du rapport de présentation, reprenant les données de l’INSEE, que le territoire couvert par le SCOTAT a enregistré une croissance annuelle de 0,5 % entre 1999 et 2014, avec un ralentissement constaté depuis 2008, qui s’établit à un niveau inférieur aux prévisions optimistes de croissance annuelle de 0,6 à 0,7 % qui avaient déjà été retenues lors de l’approbation du schéma de cohérence territoriale en 2014. Il en ressort également que, pour la révision de ce schéma, ses auteurs se sont fixé des objectifs de création de logements en se fondant sur une prévision de croissance annuelle de la population encore supérieure, de 0,86 % à un horizon de quinze ans. Si les auteurs du schéma précisent que cet objectif volontariste tient compte des tendances nouvelles constatées depuis 2014, qu’ils ne détaillent toutefois pas, il ressort des pièces du dossier, et il n’est pas contesté, que les données disponibles de l’INSEE, pour la période s’étendant de 2013 à 2018, démontrent une tendance au ralentissement de la croissance démographique, pour une croissance annuelle moyenne, pour l’ensemble du territoire, de 0,40 %. [...] A cet égard, les auteurs du schéma de cohérence territoriale font valoir, d’une part, que le territoire couvert par le SCOTAT bénéficie d’une dynamique d’emploi, en raison des flux transfrontaliers avec le Luxembourg. Ces flux, observables et quantifiés, ont certes été multipliés par cinq pour la période passée de 1990 à 2013, selon le rapport de présentation, sans toutefois que cela ne se traduise par une augmentation proportionnelle de la population, et alors qu’il n’est pas établi que cette dynamique se poursuivrait. Aucune démonstration n’est en tout état de cause proposée tendant à justifier de ce que la vigueur des flux transfrontaliers induit nécessairement un besoin de produire les centaines de logements supplémentaires envisagés, indépendamment de la fragilité des hypothèses de croissance démographiques évoquées ci-dessus. La mission régionale de l’autorité environnementale avait d’ailleurs rappelé dans la synthèse de son avis que l’« estimation des besoins en logements dans le dossier lui apparaît à la fois floue et largement surestimée » et recommandait de « reprendre le calcul de besoins en logements neufs sur la base d’hypothèses plus proches des tendances actuelles et actualisées et en affichant une ambition de reconquête du parc vacant ». [...] Il ne ressort ainsi pas des pièces du dossier que cet objectif démographique ambitieux, entraînant une augmentation de la population de 51 145 habitants, parmi lesquels 36 500 nouveaux habitants, aux termes du document d’orientations et d’objectifs, et générant de la consommation foncière, serait fondé sur une analyse suffisante des données disponibles. L’ADILEE est donc fondée à soutenir que le rapport de présentation est entaché d’insuffisance sur ce point » (TA Strasbourg 12 janvier 2023, association ADILEE, req. n° 2006974).


Dans cette perspective, il importe de mobiliser tous les outils statistiques existants : analyse comparée des soldes naturels (excédentaires) et d’un solde migratoire (déficitaire), phénomène de desserrement des ménages, taux de vacance, etc.


Il faudra également veiller à assurer une parfaite cohérence entre cette ambition démographique, et les moyens développés par le document pour atteindre les objectifs dans d’autres domaines, mais liés à cet accueil de population supplémentaire (services collectifs, infrastructures, transports etc) et à ne pas mettre à mal les autres objectifs imposés au SCoT (maîtrise de la consommation foncière, des déplacements, etc).


Attention enfin : il est fortement déconseillé d’inscrire dans un SCoT des « objectifs » démographiques incluant parfois, cela s’est vu, des plafonds par commune de croissance démographique. Cela n’est aucunement prévu dans les textes (voir sur ce point conclusions de Madame Burguburu sous CE 18 décembre 2017, n°395216). Les objectifs à prévoir relèvent de la consommation foncière ou de la production de logements, la question démographique devant demeurer la base statistique et politique de leur définition.


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